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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 02:30

 

La Brute :

C'est les yeux encroûtés par la fatigue, chancelant, l'haleine chargée, les cheveux en bataille et la chemise souillée que la brute émerge enfin de sa retraite, une bouteille vide à la main. 
Oui sa retraite, située ni plus ni moins qu'au premier étage du saloon, chambre 6. Cette fameuse chambre condamnée depuis que la Brute en a refermé la porte sur son air sombre. Porte s'ouvrant uniquement au passage de quelques catins chargées de bouteilles, se retrouvant là, hésitantes et pétrifiées devant ce rectangle de ténèbres d'où s'échappent grognements et rires lugubres. "Viens ma jolie...ferme la porte derrière toi...". 
Toutes ressortent débraillées après quelques jours, la plupart incapable de se remémorer le moindre évènement survenu dans l'antre de la chambre n°6, les yeux dans le vague, l'expression hagard, passant du sourire à la terreur.   
Il est maintenant temps pour la Brute de prendre l'air. Les mains posées sur le garde corps, je laisse tomber ma bouteille vide au milieu des tables, j'observe la faune présente en contrebas. Les quelques badauds n'ayant pas remarqué ma présence immobile et menaçante au-dessus de leur têtes sursautent au bruit du verre brisé et comprennent que l'ambiance va changer. Même la lumière semble fuir les lieux...
Les chapeaux se baissent et les yeux se concentrent soudainement sur les aspérités du parquet... Oui la Brute est de retour, bien décidée à se dégourdir les phalanges. Elle descend calmement les escaliers plus que grinçants puis déambule dans un silence assourdissant au milieu des tables, emprunte un chapeau au passage à un pauvre pelos qui s'évanouit aussitôt tout en relachant sa vessie. Affligée par tant de couardise, j'essuie ma semelle souillée d'urine sur sa barbe mal rasée. Décidément la population ici a bien changée, il y a bien là quelques pleutres à secouer pour leur passer l'envie de revenir fouler la poussiére de notre saloon.
Mais tout d'abord, une pièce dans le juke box. Petite mise en bouche, voila un petit anglais qui sait manier le chiffre.



Voila qui réveille un peu, il est maintenant temps de s'activer. A grands coups de claques sur les joues, claquant comme un fouet sur le cul d'une pucelle délurée, je réactive ma circulation sanguine, me fais craquer la nuque tout en insérant ma deuxième pièce. 
Celle-ci marque le début des hostilités, c'est un coup de coeur de la Brute. Voici 8 minutes et 35 secondes d'une épopée qui me plait tout particulièrement. Vous comprendrez par vous même la beauté de ce clip / court métrage,  il n' y a pas à tortiller tout ceci pourrait m'être dédié, j'aurai pu y avoir le premier rôle.
Mon sourire mauvais s'agrandit à mesure qu'autour de moi les épaules s'affaissent de dépit. On va bien se marrer...et tout le monde le sait.


Cette dépense d'énergie m'a quelque peu amoindri, c'est en jetant un regard amusé sur la masse de corps amassés en contrebas que la Brute referme la porte portant le chiffre 6. Traînant quelques filles de joie par les cheveux, je m'en retourne dans ma retraite pour un court repos. Un conseil, tant que ça grogne la dedans, n'ouvrez pas la porte...

Le Truand :

Tapis dans l'ombre d'un recoin du saloon, le Truand assiste, l’œil attentif, à la scène prenant place devant lui...


Habitué du comptoir, il laisse ces derniers jours la lumière aux autres pour mieux observer, constater si les choses ont changé durant ces chevauchées interminables en direction de lointaines destinations...

L'entrée de la Brute est théâtrale, dictatoriale même. Il y perçoit l'image de ces maîtres esclavagistes constamment craints par le parterre d'individus décharnés qui travaillent pour eux sans relâches dans les bas-fonds d'une cave humide et à qui ils viennent rendre visite sans crier gare pour préserver le climat de peur depuis longtemps instauré...  

Hochement de tête... Cette bonne vieille Brute a décidé, semble-t-il, de prendre du bon temps, de s'adonner aux plaisirs des breuvages et de la chaire... Et le Truand ne voit pas ça d'un bon œil... Combien, dans cet impitoyable désert, ont succombé aux excès de la renommée et sont ainsi devenus vulnérables en perdant toute emprise ou crédibilité... ? Si cela perdure, il descendra la Brute lui-même se dit-il ; mieux vaut ça qu'un coup de couteau asséné dans le dos par un jeune souhaitant se faire un nom. Qu'une fin de vie soit honteuse, c'est une chose mais préservons tout du moins la dignité dans la mort...

Malgré cette destinée entourée de quatre planches de bois bon marché qui se dessinent dans l'esprit du Truand, celui-ci ne peut se braquer et refuser, sans même avoir tendu l'oreille, les propositions musicales de la Brute...

Dès les premiers mots prononcés, le Truand reconnaît, dans ce débit de langue de Shakespeare mâché, ce bon vieux grime britannique. L'aisance rascalienne jongle sur le minimalisme dansant des rondes basses de l'instrumental, sentiment plaisant qu'une partie de Pong se déroule contre les parois de l'organe auditif. Le Truand exquise un sourire ; la Brute était dans le vrai en mentionnant l'image avant le son car à son contact, l'effet est dédoublé, apportant au morceau un caractère joyeux et l'extirpant, par la même occasion (et malgré la forme rachitique du son) du côté sombre initié par Dizzee sur son premier album...

La musique en premier, le reste après ; le Truand se réjouit d'avoir laisser sa chance à une Brute éméchée, cette première pièce était loin d'être vaine...

Cependant, à pratiquer périodiquement cet endroit, le Truand y est habitué : l'euphorie n'est que trop souvent de courte durée... Il y est préparé et ce n'est que rarement que ses phalanges se dissocient de la crosse luisante du Colt qui se balance à sa ceinture, rarement que son sourire ne dépasse le stade d'un rictus bref et discret...

Devant le bar, la Brute se pavane avec quelques demoiselles de basse envergure au sein desquelles se sont glissées deux ou trois vulgarités plus proches de la tombe que du berceau. Le Truand fixe avec insistance cette fanfare nauséabonde, décelant par anticipation que le prochain mouvement de son compère risque de l'obliger à remettre de l'ordre dans cette bicoque brinquebalante...

La pièce tombe au fond du juke-box, cisaille tranchante dont le bruit strident crée une brèche dans ce silence de mort... Et le spectacle commence...

8 minutes et 35 secondes a dit la Brute : le temps de tuer un bœuf pour s'en faire une selle, de dévaliser une banque avec pour seule arme un couteau ou de sélectionner deux-trois pépites dans une vielle cave remplie de disques poussiéreux... Autant dire un temps aussi long que précieux... Et le Truand n'est pas homme à gaspiller... Le Don Juan des dames à billets ferait donc mieux de continuer sur sa lancée...

Clap de fin... Les lèvres du Truand sont à l'horizontale... Étrangement, on ne distingue pas de sentiments : ni approbation, ni rejet, le Truand ne ressent rien...

Puis vient cet arrière goût amer, cette sensation de temps perdu... Tout dans cet objet est vain, rien n'a d'utilité... Et petit à petit, c'est un sentiment de nervosité qui se propage dans les entrailles du Truand, ce sentiment, dangereux pour l'initiateur, que l'on a tenté de le duper. Car derrière le vernis luisant et pompeux, derrière l'arrogance de la mise en scène, derrière la présence d'un acteur hipster souhaitant rajeunir son image et malgré quelques beaux cadrages à sauver se cache la médiocrité d'un scénario tapageur et absent de créativité. La recherche du buzz à tout prix comme un nouveau "Stress", le mariage musical et le choc en moins...

Car rien ne colle dans ce parallèle poussif entre les images et le son, l'idée pauvre de la dépense d'énergie par le biais de la violence ou de la danse. Accordons au clip, comme me chuchotait la petite souris, d’insuffler une dose de maturité à une musique qui n'a pas encore muée. Quant à la musique, le Truand s'y laisserait certainement aller après une bonne dizaine de verres dans une salle aux lumières tamisées, le taux d'alcoolémie permettant de faire abstraction de ces horribles voix de pré-pubertes parisiennes en chaleur...

La Brute aurait-elle succombé aux sirènes de la fashionista ? Au-delà de son apparence de patibulaire massacreur, n'y aurait-il pas une "jupe qui se cache sous le baggy" ? Rien ne sert de jouer au loup lorsque la seule chose qui s'échappe du fond de la gorge est un bêlement...

A peine a-t-il repris ces esprits que le Truand scrute le comptoir pour s'apercevoir que la Brute a disparu, les derniers échos des gloussements criards s'épuisant dans le haut de l'escalier. Ni une, ni deux, il s'emploie à faire claquer les talons de ses santiags sur le bois affaissé, marchant en direction de la chambre du laisser-aller. Arrivé à l'étage, la botte s'écrase contre la porte, venant perturber cette intimité dégingandée. Les cris montent en intensité et c'est à coup de paumes et de pieds que le Truand dégage une à une les femmes de joie pour se retrouver nez à nez avec le concerné. La Brute est estomaquée. Assise sur son matelas miteux, elle feint l'énervement mais l'illusion est de courte durée à cause des doses de tord-boyaux ingurgitées.

Le Truand saisit l'homme par le bras et parvient à l'extirper de la pièce malgré une résistance désordonnée. Tous deux dévalent les marches quatre à quatre, débouchant sur le comptoir où le Truand, d'un geste concis, envoie un tabouret sous le cul d'une Brute sur le point de s'écrouler. " A mon tour maintenant de t'initier. Et j'espère bien que cette dose de vivacité va te ramener rapidement à la réalité, charogne ! Ici-bas, on a une réputation a conservée...".

Et le Truand de débuter par un quatuor recherché, une bande de scélérats considérés comme hautement dangereuse, une régurgitation des bas-fonds dont la lourdeur de la moindre rime suffirait à terroriser Daisy Town tout entière... Si elle venait à croiser ces dézingueurs destinés à être internés, la Brute n'aurait pas intérêt à trembler en saisissant son pistolet au moment donné ...


La mort... Si la Brute ne tient plus sa vie entre ses mains, elle ferait bien d'y songer... Et après ? Après, autant croiser les doigts en priant pour qu'il y ait un Dieu et que celui-ci nous accepte dans sa demeure... Parce qu'en se laissant mourir a à peine 30 ans, soit on croit à l'au-delà, soit la bêtise est telle qu'on ne mérite pas mieux qu'une mort piteuse au détour d'une ruelle par la main d'un mendiant écervelé... En attendant - et en espérant un ressaisissement, on vénèrera d'autres Dieu, plus bien palpables, eux...

"I believe there's a God above me, i'm just the God of everything else, i put hoes in everything else, new God flow fuck everything else..."


3h du matin... Les deux hommes sont accoudés au comptoir, le calme est retombé, seul les clinquements des verres habillent le silence ambiant... Les yeux se croisent et les bouches se cornent, les mots ne sont pas mais la compréhension est là... Ils en traverseront d'autres, se jugeront encore certainement avec sévérité... Mais que personne ne s'avise de s'en prendre à l'un ou la sentence de l'autre sera sévère...

L'Anonymous :

C'est après de longues tribulations que je reviens vers vous les amis, éreinté, le visage émacié. Allant à la rencontre des diverses tribus qui peuplent les plaines, au-delà du désert entourant cette bourgade qui nous est chère. Mais comment s'appelle déjà ? Peu importe...

Je ne m'enquiers plus de si futiles considérations, pas le temps. D'ailleurs, j'ai aussi changé d'armement, les temps changent et il faut s'adapter. Oui, trop de fientes, ont sillonné mes tympans. Aussi ai-je décidé de m'attacher les services d'un fusil canon long. Tellement long que je l'ai scié. Le résultat est pour le moins surprenant... Testé sur le dernier escroc que j'ai croisé, c'est un sacré feu d'artifices ! Même la sauce tomate de Josette paraît terne à côté.

Quant à ma liste des morts violentes de cette dernière escapade, il y a :

- Scissor Sisters (Scissor Sisters, Magic Hour, 2012)
"Ouai nous on kiff l'Eurodance! - AH! Et vous aimez la sauce tomate? - La qu...*%$"#&¤ - Josette! Viens voir le travail! Et prends des notes!"

Et puis non, je n'ai pas le temps de détailler tous les trucs morbides que j'ai infligés à toutes ces âmes en peine...

Il fallait que je retrouve de la sérénité, je me suis donc soigné avec :

- The XX (The XX, Coexist, 2012)


- Miike Snow (Miike Snow, Happy To You, 2012)

 
- Angus & Julia Stone (Angus & Julia Stone, Down The way, 2010)


Bonne nuitée...

La Brute :

3h du matin, la fatigue se fait ressentir, assis sur son tabouret, le front bas, la Brute remercie intérieurement son indéfectible acolyte assis à 50 centimètres de lui, il en était de peu de basculer du mauvais côté. Lui aussi a les yeux tirés, perché sur son tabouret comme en miroir de laB rute, le Truand a pour une fois daigné déposer son légendaire Colt sur le bar, fait rarissime que de voir cet engin mortel ailleurs que dans le poing serré du truand. Pour les 2 cowboys, le chapeau se fait pesant à cette heure de la nuit...

La Brute sourit en repensant à l'entrée fracassante du Truand dans la chambre n°6, du moins ce dont elle se rappelle (la Brute a ce fâcheux inconvénient de souffrir d'amnésie partielle pendant ces épisodes d’excès éthyliques). Ce tumulte l'eut d'abord surpris, une porte qui vole à travers la pièce n'est jamais au programme d'une orgie digne de ce nom, l'ambiance s'en ressentant fortement. De plus, un enragé décidé à vous sortir du lit à coups de taloche vous rend un brun nerveux, on en vient vite aux mains dans ces situations...

Néanmoins, il était nécessaire de mettre fin à cette débauche, il y a un rang à tenir, une image à conserver, le Truand avait raison. Au saloon, attention aux excès, ils sont signes de faiblesse. Nombreux sont ceux qui rêvent de prendre possession du juke-box en ces lieux, peu osent évidemment... Pourtant quelques fous se risquent dans l'aventure, et à ce moment là, il faut être apte à écraser cette peu convaincante rébellion.

Le saloon est vide depuis un bon moment. Comme des rats fuyant la montée des eaux, la salle s'est vidée de ses occupants, profitant de la confusion provoquée par l'altercation entre les deux piliers de ces murs.

C'est l'esprit embrumé, encore un peu secoué par son estocade avec leT ruand que la Brute l'observe glissant sa pièce dans les entrailles de notre bon vieux jukebox. Cette première pièce lui a littéralement remis les idées en place, voila que ces 3-4 notes de piano lancinantes déchirent le silence et aiguisent son attention... et puis le sample, le flow, finalement la caisse clair ! Le voici réveillé, c'est simple, efficace, comme un électrochoc, la nuque se contracte spasmodiquement et le plaisir est là.

La brute émerge de son nuage alcoolisé, retrouvant son énergie comme un bon feu réchauffe un homme au milieu d'une nuit glaciale en plein désert. Malheureusement pour la Bruten, la deuxième pièce n'est pas aussi efficace... Comme le soulignait le Truand, il est difficile d'établir un tir parfait avec tout un barillet...

Malgré tout, le Truand insiste sur la qualité en invitant à dompter la première impression par plusieurs écoutes. Mais la Brute est trop fatiguée, le Truand le voit. La journée a été longue, tout deux subissent le poids de leurs devoirs de gardien du saloon... Le regard se fait complice, il s'en est passé des événements entre ces murs.

Parcourant du regard les planches recouvrant les murs usés par les nombreuses rixes et bien souvent perforés par quelques balles perdues, le silence pèse... La Brute réussit tant bien que mal à descendre de son tabouret. Avec ses quelques pièces au fond de la poche, il se dirige laborieusement vers le jukebox, bousculant quelques chaises au passage. L'heure est à la mélancolie, le recueillement... Au beau milieu de la nuit silencieuse, la pièce dévale rapidement le mécanisme dans un faible tintement. La machine tressaute et crache après quelques secondes ses premières notes... Le titre du morceau parle de lui même : "by your side..."


Ce choix a fait mouche dans l'esprit de la Brute de part son charme mais, au final, connait ses limites... On ne peut donc pas en rester là...

La Brute a encore quelques pennys en poche... Il est tard... Le Bon, toujours présent comme tout bon pilier, esquisse un sourire... Cette ambiance lui plait, pas d’atmosphère pesante, seuls sont présents les protagonistes du saloon de Daisy town. Même la petite souris ose s'aventurer en slalomant habilement entre les santiags des quelques personnes ici présentes. Jack, quant à lui, desserre son noeud papillon et s'éponge le front, il sait que la soirée finira bien...

Le climat est reposant avec ces quelques rayons de soleil filtrant à travers les stores à moitié fermés, baignant la salle principale dans une atmosphère chaude et obscure. De longues diagonales ensoleillées traversent le saloon, projetant des trainées lumineuses sur les tables désertes. Avec comme seul mouvement dans la pièce, l'hypnotique danse de la poussière prise au piège des lames lumineuses... Il est maintenant temps d'insérer ma dernière pièce :

 

Le Bon :

 

Un cowboy ne dort-il donc jamais... ?
Le saloon est fermé, messieurs, les joutes reprendront a l'aube...

 

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